15/ -Chine – 25 ans après – Il reste interdit de se souvenir
Posté par cercletibetverite le 7 juin 2014
blogs.mediapart.fr/blog/jean-philippe beja
Un quart de siècle après Tiananmen
Il reste interdit de se souvenir
Mediapart.fr – 04 juin 2014 | Par Jean-Philippe Béja
Il y a vingt-cinq ans, les chars entraient dans le centre de Pékin pour évacuer la place Tiananmen occupée par les étudiants. Aujourdhui encore, le nombre de victimes de la répression reste inconnu : de plusieurs centaines à plusieurs milliers. Au cours de la deuxième moitié de lannée 89, une vague de fond allait renverser les régimes de lEurope centrale et orientale et aboutir à la destruction du mur de Berlin. Lannée 1989 a ébranlé le monde.
Pourtant, en Chine, la majorité des jeunes nés après les événements ignore jusquà leur existence. A lheure de la mondialisation, alors que la République populaire est à lavant-garde de la cyber-communication avec plus de 590 millions dinternautes, le parti communiste chinois reste capable dimposer lamnésie. Et plus le temps passe, plus sa politique est efficace. Un tel succès nétait pourtant pas évident : cest la première fois de son histoire que le Parti parvient à effacer un événement si considérable. Même sil sest toujours présenté comme infaillible depuis larrivée au pouvoir de Mao Zedong, il nen a pas moins été capable de reconnaître ses erreurs : ainsi, vingt-cinq ans après le mouvement délimination des contre-révolutionnaires de 1955, la principale cible de ce mouvement, le critique littéraire Hu Feng, a été réhabilitée. Evidemment, il était incapable den profiter, puisquil avait largement perdu ses facultés mentales. Par ailleurs, il na fallu (si lon peut dire) que vingt-deux ans pour que le Parti reconnaisse que le mouvement antidroitier de 1957 avait frappé un bien trop grand nombre de citoyens (kuadahua) puisque selon les chiffres officiels, 553.000 personnes ont été condamnées alors quil ny aurait eu en réalité que cinq droitiers ! Quant à la Révolution culturelle, ses victimes ont été réhabilitées un peu plus dune décennie après son déclenchement.
Or, aujourdhui, bien que la Chine soit devenue la deuxième puissance mondiale et parle haut et fort sur la scène internationale, la simple mention des chiffres 6.4 (qui désigne le 4 juin en chinois) reste taboue sur la toile et, plus encore, dans la presse. Le 5 mai, cinq personnes qui avaient participé à un séminaire pour commémorer lévénement et discuter de son importance dans un appartement privé ont été arrêtées pour avoir troublé lordre public ! Ce ne sont pas de dangereux activistes puisquil sagit du philosophe de lAcadémie des sciences sociales de Chine Xu Youyu, invité par les universités du monde entier (dont lEcole des Hautes Etudes en sciences sociales), du professeur de lAcadémie du Cinéma Hao Jian, de lancien professeur de lUniversité des Langues étrangères Hu Shigen (un habitué des prisons puisquil y a passé 15 ans après le 4 juin) de lavocat des droits civiques Pu Zhiqiang (qui lan dernier faisait la couverture dun magazine populaire[1]) et de linternaute Liu Di que son humour avait déjà conduit en détention pour une année au début du siècle[2]. Les participants à ce séminaire nont fait que réclamer la vérité sur les événements et le droit de discuter de leur influence sur lévolution du pays.
Mais, comme le rappelle lécrivain Yan Lianke, lamnésie appuyée par lEtat est un trait caractéristique du pouvoir en Chine : «Tout élément négatif sur le pays ou le régime est rapidement effacé. La suppression de la mémoire est mise en uvre en censurant les journaux, magazines, informations télévisées et tout ce qui préserve la mémoire .Le meilleur moyen de réaliser ce type damnésie consiste à développer des tactiques qui recourent au pouvoir dEtat pour menotter les esprits et bloquer les canaux de transmission de la mémoire en altérant les archives historiques, en manipulant le contenu des manuels et en contrôlant la littérature, lart et les représentations sous toutes leurs formes »[3].
Mais pourquoi cet acharnement alors quaucun des sept membres de la direction suprême noccupait de poste de responsabilité à Pékin à lépoque ? A un moment où les contradictions qui déchirent la société chinoise saggravent, décréter une amnistie générale et réhabiliter les victimes de la répression permettrait de convaincre la société que le nouveau pouvoir est décidé à rompre avec les excès du passé et de mobiliser les forces vives de la nation pour réaliser le « rêve chinois » cher à Xi Jinping. Pourtant, la nouvelle direction persiste à imposer lamnésie. Quels démons risquerait de réveiller une réévaluation du mouvement de 1989 ?
Dialoguer avec la société ?
Dabord bien entendu, si les faits étaient révélés au grand jour, il resterait extrêmement difficile de justifier le recours à lArmée pour mettre un terme à un mouvement resté pacifique jusquau bout.
Mais surtout, le mouvement a failli provoquer une scission au sein dun Parti qui accorde une valeur suprême à lunité. Pendant les années 1980, la vie politique avait été dominée par la lutte entre dabord les inconditionnels de Mao regroupés autour de Wang Dongxing et de Hua Guofeng et les réformateurs dirigés par Deng Xiaoping et Chen Yun ; puis par une opposition entre les réformateurs partisans du marché emmenés par Deng Xiaoping et les conservateurs soucieux daccorder une plus grande importance à léconomie planifiée regroupés autour de Chen Yun. Il y avait naturellement des sous-groupes dans ces deux grandes tendances et le limogeage du secrétaire général Hu Yaobang en 1986, par exemple, avait éliminé une partie des partisans de la réforme du système politique[4]. Le mouvement étudiant, bientôt appuyé par une grande partie de la population urbaine, en demandant un approfondissement de cette réforme que le secrétaire général Zhao Ziyang avait commencé à mener à bien, a failli provoquer une scission entre les partisans du dialogue et les partisans de la répression. Tandis que Zhao cherchait à convaincre Deng Xiaoping que les manifestants, loin de remettre en question le pouvoir du Parti, ne demandaient quà améliorer son fonctionnement en le démocratisant, les conservateurs affirmaient quil sagissait dun défi insupportable à lhégémonie du PC, dune menace mortelle pour le régime. Deng sétait en réalité prononcé dès le 25 avril[5] lorsquil avait dénoncé les manifestations comme des « troubles contre-révolutionnaires ». Zhao na pas pu le convaincre de la nécessité du dialogue, et le fait quil ait déclaré à Gorbatchev que cétait le patriarche qui avait le dernier mot, a convaincu ce dernier quil avait cherché à labattre, tout en révélant une décision secrète à un dirigeant étranger[6]. Cen était trop pour le petit Timonier, et lorsque Zhao sest rendu sur la place Tiananmen le 19 mai 1989 pour sexcuser auprès des étudiants dêtre venu trop tard[7], il avait déjà perdu la partie.
Une fois prise la décision de « réprimer lémeute », il ne restait plus quà éliminer les partisans du dialogue qui avaient refusé de la mettre en uvre. Zhao a été limogé au plénum de juin[8] et placé en résidence surveillée jusquà sa mort en 2005. Lunité du Parti a été scellée sur le sang versé : tous ceux qui se sont succédés au pouvoir depuis cette date fatidique ont assumé cette décision.
Lunité à tout prix
Le massacre du 4 juin a convaincu les dirigeants que quelles que soient les divergences sur la ligne à suivre, il était extrêmement dangereux pour le pouvoir de les porter sur la place publique. Depuis 1989, on na plus vu daffrontement entre lignes politiques au sommet du Parti. Le consensus issu du 4 juin est le suivant : les divergences doivent rester secrètes et se régler au sein de lappareil, et il nest pas question que lune des factions cherche à sappuyer sur une société qui pourrait sorganiser de manière autonome. En dautres termes, tous saccordent pour empêcher linstitutionnalisation dune société civile qui menacerait lhégémonie du Parti quil nest possible de préserver que sil présente une façade dunité.
Et de fait, depuis vingt-cinq ans, on na plus vu se dérouler de luttes entre des lignes politiques concurrentes. Les contradictions au sommet nont pas manqué, mais jamais elles nont été posées en termes de divergences politiques : quil sagisse de lélimination du secrétaire de la municipalité de Pékin Chen Xitong en 1998[9], de celle du secrétaire du comité du Parti de la municipalité de Shanghai Chen Liangyu en 2006[10] ou de celle du Prince de Chongqing Bo Xilai en 2012, cest toujours la corruption qui a servi de prétexte aux purges.
On avait bien cru en 2012 que le consensus issu du 4 juin était sur le point déclater, lorsque Bo a tenté dentrer en force au comité permanent du Bureau politique à loccasion du 18ème congrès du Parti. Sa politique populiste consistant à racketter ou à éliminer les entrepreneurs privés liées aux équipes précédentes au nom de la « lutte contre la mafia » (da hei frapper le noir, cest à dire la mafia) et la remise en vogue dun discours maoïste attractif pour les nostalgiques de léconomie dEtat (chanter les chansons révolutionnaires) semblait pouvoir constituer une alternative au discours dominant. Le mépris de la loi et la brutalité avec laquelle il a mis en uvre sa politique lont conduit à sa perte, mais le procès qui a abouti à sa condamnation à la prison à perpétuité na jamais fait allusion à sa politique. En apparence, la ligne quil défendait na joué aucun rôle dans sa chute.
De même, lorsque le numéro un de la province du Guangdong, Wang Yang, au lieu de lancer la police armée contre les manifestants du village de Wukan qui réclamaient le limogeage de leur chef de village, a dépêché un vice-secrétaire du comité provincial du Parti pour discuter avec leurs représentants élus, résolvant cette contradiction sans violence[11], on na pas parlé de ligne politique alternative. Si la ligne néo-maoïste de Bo Xilai la conduit en prison, la ligne de dialogue de Wang Yang na pas été plus reconnue, et sa nomination au poste de vice-ministre des affaires étrangères, montre quil nest pas question quil la mette en uvre.
Retour du pouvoir personnel ?
Pour sassurer que le consensus au sommet établi au lendemain du 4 juin soit maintenu, Deng Xiaoping est revenu sur une mesure quil avait imposée au lendemain de la mort de Mao : à lépoque, afin déviter que némerge un nouveau culte de la personnalité, il avait été décidé que le Parti, lEtat et lArmée seraient dirigés par trois personnes différentes. A lépoque, on parlait de mettre fin au « système patriarcal ». Les divergences apparues entre les dirigeants au cours du mouvement de 1989 lont convaincu quil fallait changer cela. Depuis le limogeage de Zhao Ziyang, le secrétaire général du Parti est également Chef de lEtat et président de la Commission militaire centrale. Tandis que Jiang Zemin et Hu Jintao nen ont pas profité pour imposer leur pouvoir personnel, la situation semble avoir changé avec Xi Jinping. En effet, non content dassumer ces trois fonctions, il a également créé deux nouvelles institutions, la commission pour la sécurité dEtat, et le groupe central de direction sur lapprofondissement des réformes[12], dont il a pris la tête. Alors que depuis le début des années 1980, cétait le premier ministre qui avait la haute main sur la gestion de léconomie, les choses pourraient bien changer avec cette nouvelle structuration. Le risque de retour du pouvoir personnel nest pas négligeable.
La stabilité lemporte sur tout
Autre conséquence du 4 juin : afin déviter la répétition de manifestations de masses, des moyens énormes (puisquils dépassent le budget de lArmée) ont été affectés au maintien de la stabilité (weiwen). Après une période de répression tous azimuts qui sest soldée par des milliers darrestations au lendemain du massacre, les autorités ont affiné leurs méthodes de répression : lobjectif est dempêcher que ne se déploient des manifestations de grande envergure. Il faut donc intimider les « meneurs » potentiels, et si lintimidation ne fonctionne pas, les arrêter. Déjà Jiang Zemin avait déclaré son intention d étouffer dans luf toute tentative de création dorganisations politiques[13]. Son successeur Hu Jintao, en créant une administration du maintien de la stabilité, a encore renforcé cette politique, et Xi Jinping la étendue en renforçant le contrôle de la circulation de linformation (il a pris la direction dune commission de sécurité informatique[14]), et la répression contre ceux qui sont trop critiques sur weibo, le twitter chinois[15].
Depuis le 4 juin, la répression des activités dissidentes continue davoir la priorité, mais, soucieux de son image internationale, en 1997, le pouvoir a supprimé le crime dactivités contre-révolutionnaires du code pénal pour le remplacer par celui de subversion du pouvoir dEtat (ou dincitation à la subversion)[16], donnant limpression dune normalisation du système pénal par la suppression des délits politiques. Sous Xi Jinping, on a franchi encore un pas dans la normalisation puisque cest simplement sous linculpation de trouble de lordre public que les dissidents sont mis hors détat de nuire[17]. Toutefois, aujourdhui comme au lendemain du massacre, les associations autonomes de défense des droits de lhomme, les organisations qui affichent des visées politiques etc. continuent dêtre interdites, et tous les médias appartiennent au Parti. Certes, de nombreuses informations échappant au contrôle circulent sur lInternet, mais ceux qui les répandent risquent leur liberté tandis que les « mots sensibles » sont régulièrement éliminés.
Depuis vingt-cinq ans, le Parti a adapté son contrôle sur la sphère politique à la révolution de linformation, et dans le combat qui oppose le chat de lappareil à la souris de la société, celle-ci na pas lavantage.
Répression et promotion agressive de la consommation
Au lendemain du massacre, Deng Xiaoping avait déclaré que les deux raisons pour lesquelles le mouvement de 1989 avait pris une telle ampleur étaient dune part labsence de conviction des deux derniers secrétaires généraux dans le combat contre la « libéralisation bourgeoise » (nom de code des idées démocratiques), et dautre part la faiblesse de léducation idéologique des jeunes.
Jiang Zemin et Hu Jintao ont insisté sur léducation patriotique : lever du drapeau dans les écoles, encouragement au « tourisme rouge », cours sur la supériorité du Parti, stages dans larmée pour les étudiants de première année, rien na été épargné. Mais cest surtout en encourageant les jeunes à se lancer dans une course effrénée à la consommation que le Parti a atteint son objectif. Plus question de lutter contre la « pollution spirituelle » : les soap operas brésiliens, coréens et chinois, les concours de chansons pop, la course aux autographes des stars, tout cela est encouragé par le pouvoir de même que lest la passion pour le sport, surtout depuis les Jeux olympiques de Pékin. En revanche, il ne fait pas bon sinterroger sur lhistoire du parti communiste et de se demander par exemple ce qui sest passé il y a vingt-cinq ans. Cette politique déducation atteint largement son but : dépolitiser une jeunesse urbaine qui se désintéresse des combats de ses aînés pour profiter dune vie « moderne ». Paradoxalement, le parti communiste de laprès-4 juin a adopté une politique qui rappelle celle de lEspagne franquiste où patriotisme et football constituaient lessentiel de la vie culturelle de la jeunesse. Les jeunes des classes moyennes peuvent du reste à loccasion faire preuve dun nationalisme exacerbé, dirigé contre le Japon présenté comme un ennemi héréditaire, mais parfois aussi contre lOccident. Tout cela permet de détourner la jeunesse du combat pour la démocratie.
Une opposition désorientée
Les héritiers du mouvement de 1989 se trouvent du reste dans une situation très difficile. Les dissidents, ceux qui refusent le mensonge, ont du mal à sexprimer. Il nest pas facile de refuser de collaborer avec un régime qui est en mesure doffrir de nombreux avantages matériels à ceux qui acceptent de ne pas le critiquer publiquement. Certes, certains intellectuels, appartenant souvent à la génération de la Révolution culturelle, continuent dappeler à linstauration de la démocratie et du constitutionnalisme. Ils sont parfois rejoints par des chercheurs et des professeurs duniversité.
Mais le libéralisme ne jouit plus dune position hégémonique sur les campus. Les nationalistes, les néo-confucianistes, les néo-maoïstes lui disputent la place. Renouant avec la position du conseiller du Prince, de nombreux intellectuels pensent quil faut tenter dinfluencer le Parti pour éviter au pays de sombrer dans le chaos. Une grande méfiance à légard des travailleurs ordinaires considérés comme insuffisamment éduqués renforce leur réticence à légard de la démocratie.
Avec larrivée au pouvoir de Xi Jinping, on a vu une scission au sein même du camp libéral. Certains de ses membres ont retrouvé les positions du néo-autoritarisme qui avait connu de beaux jours sous Zhao Ziyang en 1987[18]. Cette théorie pourrait être qualifiée de « paradoxe de la réforme » : dans un pays où les groupes dintérêts se partagent le pouvoir, il est très difficile de procéder à une réforme démocratique. Seul un dirigeant fort disposant de pouvoirs extraordinaires peut imposer les réformes nécessaires à lécrasement de ces groupes qui sopposent à toute évolution démocratique. Dans ces conditions, la concentration des pouvoirs entre les mains de Xi Jinping est vue dun bon il par une partie des partisans du changement. Selon eux, seul un homme fort pourra mettre un terme à limmobilisme qui a régné pendant la décennie du pouvoir de Hu Jintao et Wen Jiabao (2003-2013).
Une autre partie des libéraux est sceptique face à cette analyse : en effet, ils affirment que les déclarations réformatrices de Xi sont trop vagues pour pouvoir être prises au sérieux et que ses campagnes contre la corruption, ses appels au rétablissement des « bonnes traditions du Parti », le recours aux héros des années 1960 (Lei Feng et Jiao Yulu) ne laissent guère présager une ouverture politique. Ils font remarquer quaucune réforme institutionnelle na été entreprise pour limiter la corruption, à la différence des mesures qui avaient été prises au lendemain du 13ème congrès, que Xi na jamais fait allusion à une éventuelle séparation du Parti et de lEtat et que les citoyens qui ont osé demander lapplication des droits accordés par la constitutions ont été arrêtés et condamnés. Les avocats défenseurs des droits civiques sont souvent harcelés par la police, certains ont été détenus pénalement, en un mot, on a assisté à un recul de lespace dexpression dans la société[19].
Une nouvelle légitimité ?
Aujourdhui, le pouvoir du Parti ne semble pas véritablement menacé par une société qui reste atomisée. Au lendemain du massacre du 4 juin, le PC avait perdu toute légitimité auprès des citadins. En 1992, avec son voyage dans le Sud, Deng Xiaoping est parvenu à la refonder sur la performance économique. Le pouvoir du PC était légitimé par sa capacité à améliorer le niveau de vie de la population et la richesse du pays. La classe moyenne qui sest développée à la faveur de cette politique constitue lun des soutiens essentiels du régime. Elle a certes des sujets de mécontentement, mais elle ne remet pas en question le pouvoir dun parti qui a rempli son contrat. Aujourdhui toutefois, devant les menaces de ralentissement de la croissance provoquées par la détérioration de léconomie mondiale, les nouveaux dirigeants cherchent à diversifier leur légitimité. Le rêve chinois cher à Xi Jinping consiste à faire de la Chine une grande puissance sur la scène internationale, et il nhésite pas pour cela à adopter une attitude ferme, voire arrogante face à ses voisins. Mais Xi cherche également à développer les aspects moraux et politiques de la légitimité : en faisant appel aux « saines traditions du Parti », en rappelant que le PC avait été capable déliminer la corruption au lendemain de la prise de pouvoir, Xi cherche à développer la théorie de la supériorité du système à un moment où loccident est plongé dans la crise : éléments de la tradition chinoise empruntés à un « confucianisme » syncrétique[20], ajoutés à ce que lon appelait du temps de Mao, laffirmation de « la supériorité du système socialiste ». Xi affirme ses trois confiances, confiances dans le système, dans lidéologie et dans la théorie. Parviendra-t-il à emporter ladhésion de citoyens qui réclament des résultats concrets à cette idée ? Cest sans doute lun des principaux défis qui attend la nouvelle direction. En attendant, il est toujours interdit de réfléchir sur le passé.
………………
[1] Nanfang renwu zhoukan (Southern People Weekly), 4/9/2012, http://www.nfpeople.com/story_view.php?id=3568
[2] Arrêtée le 7 novembre 2002, elle a été relâchée le 1er décembre 2003. Voir Philip Pan, « China Releases 3 Internet Writers, but Convicts 1 Other », Washington Post, 1/12 2003
[3] Yan Lianke, « On State-Sponsored Amnesia », New York Times, 1/4/2013, http://www.nytimes.com/2013/04/02/opinion/on-chinas-state-sponsored-amnesia.html?pagewanted=all&_r=0
[4] V. Jean-Philippe Béja, A la recherche dune ombre chinoise, Paris, Ed. du Seuil, 2004 , pp.120-124
[5] Voir léditorial du Quotidien du peuple, « Il faut lutter résolument contre le désordre», in J.-P.Béja, M.Bonnin, A.Peyraube, Le tremblement de terre de Pékin, Paris, Gallimard, «Au vif du sujet », 1991 ; pp.107-110.
[6] V.Zhang Liang, Les archives de Tiananmen, Ed. du Félin, Paris, 2006
[7] ibid. [8] Voir le communiqué du 4ème plénum du 13ème comité central du PCC, sur Baidu Baike,
[9] Chow Chung-Yan, « Chen and Yao’s plan to ‘set the record straight », South China Morning Post, 30/5/2012
[10] Joseph Kahn, « Chinese Officials Vow to Press Political Shake-Up, Saying Corruption
Is Focus », New York Times, 27/9/2006
[11]Verna Yu, « Resolution of dispute a boost for Wang Yang, South China Morning Post, 23/12/2011,http://www.scmp.com/portal/site/SCMP/menuitem.2af62ecb329d3d7733492d9253a0a0a0/?vgnextoid=8c47edcaa7664310VgnVCM100000360a0a0aRCRD&ss=China&s=News
[12] Voir Xinhua, 12/11/2013, [3]
‘Leading team’ to spearhead drive for reform, party plenum resolves [4 et Harold Thibault, « M.Xi et seulement M.Xi », Le Monde, 7 janvier 2014,http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/01/07/chine-m-xi-et-seulement-m-xi_4344048_3232.html
[13] V. Human Rights Watch, Nipped in the Bud : The Suppression of the China Democracy Party, Septembre 2000,http://www.hrw.org/reports/2000/china/
[14] « President Xi Jinping will head the central Internet security and informatization leading group », Xinhua, 27/2/2014
[15] Larrestation de Charlie Xie, un Big V disposant de dizaines de millions de partisans sur weibo, le twitter chinois, (Voir Keith Zhai, « Charles Xue Biqun admits Weibo fuelled ego, state media reports », South China Morning Post, 16/9/2013,http://www.scmp.com/news/china/article/1310567/charles-xue-biqun-admits-weibo-fuelled-ego-state-media-reports) et les menaces à légard dautres de ces vedettes couplée à ladoption dune loi condamnant la propagation de « rumeurs » (Jeremy Daum, « SPC and SPP Interpretation on Internet Speech Crimes », http://chinalawtranslate.com/en/spc-and-spp-interpretation-on-internet-speech-crimes/) ont porté un coup à la liberté dexpression.
[16] Voir le rapport dAmnesty International, 1998, http://www.refworld.org/docid/3ae6a9f52e.html
[17] V. « Linlassable combat pour lEtat de Droit en Chine », Le Monde, 23/1/2014 http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2014/01/23/l-inlassable-combat-pour-l-etat-de-droit-en-chine_4352964_3232.html
[18] V. J-P .Béja, A la recherche , op.cit. p.129
[19] A la veille du mois de juin, plus de 15 ont été détenus pénalement
[20] Voir le discours de Xi Jinping à lUniversité de Pékin, berceau de lanti-confucianisme, le 4 mai 2014. Xi a incité les étudiants à être fiers de leurs traditions culturelles
Publié dans Chine, Tian'anmen | Pas de Commentaire »