Matthieu Ricard : »La méditation produit des émotions positives »
Posté par cercletibetverite le 7 avril 2015
http://tempsreel.nouvelobs.com/bien-bien/20150402.OBS6304/la-meditation-produit-des-emotions-positives.html
« La méditation produit des émotions positives »
Le moine bouddhiste Matthieu Ricard a participé à des expériences scientifiques qui démontrent les nombreux bienfaits de cette pratique sur la santé. Interview.
ur la santé. Interview.
Le bouddhiste n’a jamais occulté le chercheur. Matthieu Ricard, 67 ans, moine tibétain, docteur en génétique cellulaire, interprète français du dalaï-lama, vit au Népal, dans le monastère de Shechen depuis quarante ans. Cela ne l’a pas empêché de souvent prêter son cerveau à la science.
De 1999 à 2011, il a collaboré avec le Mind and Life Institute, une organisation fondée en 1990 par le neurobiologiste Francisco Varela (1946 -2001) et Adam Engle, sous l’impulsion du dalaï-lama pour développer les échanges entre la science et le bouddhisme. Matthieu Ricard y a participé, en tant que chercheur et cobaye, à des expériences visant à mesurer les différentes modifications du cerveau lors de six méditations spécifiques : la concentration sur un seul point, l’amour altruiste combiné à la compassion, la présence ouverte, la visualisation d’images mentales, l’imperturbabilité et la pleine conscience.
Ces recherches, auxquelles prenaient part des « méditants » débutants, ont montré que la méditation en général, et celle sur l’amour altruiste en particulier, entraîne une augmentation considérable des ondes gamma dans le cerveau. Ce qui a pour effet de booster l’activité de cet organe, ces ondes jouant un rôle-clé dans la communication entre les neurones et les différentes aires cérébrales.
« L’Obs » l’avait rencontré à l’occasion de la sortie de son livre, « Plaidoyer pour l’altruisme. La force de la bienveillance », qui fait état de ces découvertes et démontre comment transformer son cerveau par la méditation altruiste. Interview.
L’Obs. Toute votre œuvre témoigne des bienfaits de la méditation, que vous-même pratiquez depuis quarante ans. Quels sont-ils exactement ?
Matthieu Ricard. C’est un entraînement de l’esprit quotidien, un travail auquel le méditant doit s’astreindre avec la même assiduité qu’un sportif ou un musicien. Le but n’est pas d’anesthésier toute sensation en vue d’obtenir une pseudo-béatitude baba cool. Bien au contraire, méditer est une science vieille de 2 500 ans qui rend l’esprit libre, clair et actif, à force d’exercices précis.
A la longue, on se débarrasse de la rumination morbide générée par nos affects les plus négatifs comme le ressentiment, l’auto-dévalorisation, l’envie, la haine de soi et des autres. La méditation, notamment celle sur l’amour altruiste, ne produit que de bonnes émotions dans le cerveau.
Dans votre dernier livre, vous apportez les preuves scientifiques de la modification du cerveau par la méditation, notamment par celle sur l’amour altruiste…
- Avec d’autres pratiquants, femmes et hommes, moines et laïques dont le nombre d’heures de méditation va de 10.000 à 50.000, j’ai participé aux programmes de recherche de nombreux laboratoires de neurosciences, dont celui de l’université de Wisconsin-Madison aux Etats-Unis. Ils étaient menés par Richard Davidson, expert en imagerie des émotions et des effets de la méditation – qu’il pratique lui-même depuis trente ans -, et Antoine Lutz, aujourd’hui chercheur au centre de neurosciences de l’Inserm à Lyon. J’ai aussi beaucoup travaillé avec Tania Singer, directrice du département de neurosciences sociales de l’Institut Max-Planck de Leipzig, et spécialiste mondiale de l’empathie.
Les résultats de leurs recherches sont impressionnants. Ils prouvent, entre autres, que, lorsque l’on médite, plusieurs aires du cerveau liées à la bienveillance, au sentiment d’affiliation avec autrui et à l’empathie, dont l’insula et le cortex cingulaire, sont activées, provoquant des émotions positives, tandis que d’autres, comme l’amygdale, liées notamment à l’agressivité, sont désactivées.
Ces modifications influent-elles sur la santé ?
- Oui. En augmentant les humeurs positives par activation des aires cérébrales liées à la gestion des émotions, elles contribuent, par exemple, à soulager l’anxiété et tout type d’état mental facteur d’isolement comme la dépression. La méditation sur l’altruisme constitue donc un remède à la solitude, elle-même cause de bien des maladies somatiques.
Est-ce valable pour les « méditants » débutants ?
- Oui, heureusement ! Avec un bon guide spirituel, à raison de vingt minutes par jour, au bout de huit semaines, tout un chacun ressent déjà une nette diminution du stress mais aussi des pensées d’auto-dénigrement. S’ensuit alors un processus irrépressible d’ouverture à autrui.
L’équipe de Barbara Fredrickson, professeure émérite de psychologie et chercheuse en émotions positives à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, a également montré que la méditation sur l’amour altruiste augmente le tonus vagal, ce qui permet de garder son calme en toutes circonstances.
On devrait introduire la méditation dans toutes les écoles, comme cela commence à se faire aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et favoriser l’apprentissage coopératif au lieu de la compétition.
En France, la méditation de pleine conscience connaît un tel succès qu’on peut désormais l’apprendre grâce à des méthodes proposées sur internet. Que pensez-vous de cette pratique ?
- Les sites internet et leurs promesses de nirvana par la pleine conscience, c’est n’importe quoi ! Récemment, je suis tombé sur un site qui prétendait apprendre aux gens à « méditer en 3G, mieux et plus vite ». Il garantissait aussi créativité et liberté pour résoudre tous ses problèmes et briller dans tous les domaines. Et promettait même l’acquisition d’un magnétisme capteur de richesses et de gloire !
Quand on pense que la pratique de la méditation, quelle qu’elle soit, devrait conduire à la libération des préoccupations mondaines, on croit rêver ! Tous ceux qui veulent s’initier à cette pratique doivent s’adresser à des professionnels de la santé ou à des guides spirituels confirmés. Gare aux charlatans !
Colette Mainguy
(Article publié dans « le Nouvel Observateur » du 16 janvier 2014)
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