Le gouvernement central chinois détient l’autorité complète sur Hong Kong et est la source de son autonomie : tel est le message principal délivré par Pékin aux Hongkongais, à l’approche du 17e anniversaire de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique, rapporte le South China Morning Post. Dans un livre blanc sur Hong Kong, Pékin précise sa vision du futur de l’île : si la Région administrative spéciale pouvait, un jour, choisir son dirigeant par le biais du suffrage universel, cette personne devrait être loyale à la Chine. La sécurité et les intérêts nationaux sont en jeu.La publication de ce texte intervient dix jours avant la date fixée par le mouvement Occupy Central pour un référendum populaire sur l’élection au suffrage universel du chef de l’exécutif, souligne le
South China Morning Post. Pékin rappelle ainsi aux Hongkongais que leur ville n’est qu’ «
une des régions administratives locales« , et que la gestion de ses affaires relève du gouvernement central. Pour le chef de l’exécutif Leung Chun-ying, le livre blanc est conforme à la Loi fondamentale.
Pékin veut réduire les Hongkongais au silence
Mais l’organisateur d’Occupy Central, Benny Tai Yiu-ting, contredit cette opinion et estime que « Pékin tente de faire peur et de réduire les Hongkongais au silence« , tandis que le dirigeant du Parti citoyen, Alan Leong Kah-kit, accuse Pékin de revenir sur ses promesses. Les premières réactions politiques ont été suivies de celles du monde des affaires, qui semble divisé. Tandis que certains estiment que le livre blanc est le signal fort de stabilité politique dont Hong Kong avait besoin, d’autres s’inquiètent de voir s’envoler le haut degré d’autonomie qui faisait la réussite de Hong Kong.
Point de vue renforcé par la déclaration de l’association des juristes de Hong Kong, qui voient l’indépendance de la justice mise à mal par les dispositions prévues par Pékin dans ce livre blanc. Si, ailleurs, les tribunaux « chantent à l’unisson » de leur gouvernement, cela n’est pas le cas à Hong Kong, lance l’association citée par le South China Morning Post. »La qualification erronée des juges et du personnel judiciaire comme ‘membres de l’administration’ ou l’injonction officielle qui leur serait faite de mettre en uvre une politique » enverrait un mauvais message aux Hongkongais et à la communauté internationale. Cela impliquerait que les juges ne seraient pas indépendants, affirme l’association.
Des journaux diffusent le message de Pékin
Pourtant, les journaux traditionnellement proches de Pékin approuvent et diffusent le message de Pékin. La politique du gouvernement central vis-à-vis de Hong Kong n’a pas changé, affirme ainsi le vice-président chinois Li Yuanchao, dont des propos sont rapportés par le site du quotidien hongkongais Ta Kung Pao. Le livre blanc exprime la ligne suivie par le gouvernement pour l’application de la Loi fondamentale. L’interprétation patriotique du principe « un pays, deux systèmes » est juste, renchérit le quotidien
Sing Pao.
Si la réaction tranchée des Hongkongais divisés en deux camps les « constructifs » et les « opposants » est sans surprise, ceux qui y voient une raison d’inviter les Hongkongais à aller manifester le 1er juillet 17e anniversaire de la rétrocession sont par trop critiques. Les partisans du mouvement Occupy Central se donnent trop d’importance. « Le livre blanc fondé sur le principe ‘un pays, deux systèmes’ a un potentiel positif pour le pays et pour Hong Kong« , conclut le journal.
Ces derniers temps, le Xinjiang a été à de nombreuses reprises au centre de lactualité et cela ma été très pénible. Ce sentiment est difficile à exprimer par des mots. Dabord, il y a eu lattentat terroriste de Kunming, le 1er mars [une attaque à larme blanche a fait 29 morts dans la gare de la capitale du Yunnan, dans le sud-ouest du pays]. Lorsquil a été confirmé quil sagissait du Xinjiang, jétais très abattu.
Un peu comme lors des événements de juillet 2009 [des émeutes à Urumqi ont fait près de 200 morts, principalement des Han], mais en pire. Car cette fois, pour les gens, cela se passait tout près. Dès le lendemain de lattentat de Kunming, le commissariat de mon domicile ma appelé pour me demander si je comptais rester encore longtemps à Pékin. Je leur ai dit : jy ai femme et enfant, un appartement, et jai lintention dy rester. Jai appelé mes amis. Lune deux avait reçu la visite de policiers : ils lui ont expliqué que cétait une question de sécurité. Elle était effrayée. Et puis il y a eu la disparition de lavion de la Malaysia Airlines [le 8 mars, sur la ligne Kuala Lumpur-Pékin]. Tout le monde disait au départ quun homme originaire du Xinjiang était à bord. Cétait faux.
Je pense que les Ouïgours ne méritent pas une si mauvaise image. Jaimerais vraiment faire quelque chose pour que le monde extérieur connaisse mieux la Région autonome du Xinjiang et ses habitants. En fait, ce sont des gens comme les autres, qui ne cherchent quà vivre tranquillement. Depuis le 3 mars, je mattache à entrer en contact avec des personnes originaires du Xinjiang qui habitent à Pékin. Elles appartiennent à toutes sortes dethnies ; je les prends en photo et je note par écrit leur histoire. Jai déjà tiré le portrait dune trentaine de personnes, en train de confectionner des nangs [pain ouïgour en forme de galette], de vendre des brochettes ou de travailler à lhôpital, dans des unités de recherche ou pour des médias. Jai aussi rencontré un architecte. Jespère, à travers leurs histoires, permettre au grand public de comprendre à quoi ressemble un Ouïgour ordinaire et quel genre de vie il mène.
Je souhaite aussi raconter lhistoire de ma propre famille et mon itinéraire personnel, en expliquant comment une famille ouïgour de Hotan [sud du Xinjiang] a traversé toutes ces années de réformes et douverture [depuis 1979], et comment certains de ses membres vivent désormais de manière différente dans la Chine intérieure [terme chinois fluctuant, désignant la Chine moins ses régions extrêmes, par conséquent la Chine de population Han].
Hotan, doù je suis originaire, est une région ouïgour très traditionnelle du Xinjiang, mais notre famille nest pas comme les autres. Sur les quatre enfants, trois ne vivent désormais plus au Xinjiang. Le troisième a repris lentreprise familiale et tient à Shenzhen [sud de la Chine] une boutique dobjets en jade ; le quatrième fait de la retouche photo dans un studio spécialisé dans les photos de mariage, à Shenzhen également. Il ny a que ma petite sur qui travaille encore à Hotan, comme professeur de chinois.
Dans le Xinjiang méridional, on ne trouve quasiment pas de famille comme la nôtre. Tout cela, cest grâce à mes parents, surtout à mon père qui, à partir de 1984, peu après le lancement des réformes, a commencé à se rendre souvent en Chine intérieure pour les besoins de son commerce de jade, ce qui a élargi son horizon. A son retour, il nous racontait ce quil avait vu et les rencontres quil avait faites. Mon père nous disait souvent quil voulait absolument que ses trois fils quittent Hotan. Il a atteint son but !
Quand jétais petit, nous ne manquions de rien à la maison. Mon père nest jamais allé à lécole, ma mère non plus. A lorigine, ils étaient de vrais paysans. Pourtant mon père a absolument tenu à nous scolariser, mais il a refusé en revanche de nous mettre à lécole coranique, considérant que nous étions encore trop jeunes et que plus tard nous pourrions nous faire un avis par nous-mêmes. Mais ma mère craignait que nous soyons considérés de ce fait comme des hérétiques et rejetés par le reste de la société locale.
Mon père ne suivait pas de près nos résultats scolaires, mais il a sans cesse déménagé pour nous donner le meilleur environnement éducatif possible. Finalement, on sest fixés dans un endroit où nos résultats se sont améliorés car nous étions entourés denfants qui allaient également à lécole. A lépoque, mon chinois nétait pas encore très bon. En restant à Hotan (où la population est ouïgour à plus de 96 %), il est vraiment difficile de bien apprendre cette langue.
Le fait que nous ne soyons pas allés à lécole coranique a coupé ma mère (qui a près de 60 ans) de ses frères et surs. Et quand par hasard ceux-ci la rencontrent, ils lui lancent des piques : Tu te rends compte : il nous faut maintenant un interprète pour parler avec vos enfants ! Sous-entendu : tes enfants sont des Chinois Han
En fait, nous parlons tous très bien ouïgour. Nous sommes aussi rejetés par le reste de la famille. Du côté de ma mère, nous avons une trentaine de cousins, mais aucun na jamais joué avec nous ; ils disent que nous sommes des kafirs [mot arabe exprimé phonétiquement en chinois : des infidèles]. Ma mère en souffre beaucoup, mon père aussi. En fait, mes parents sont des musulmans pieux, qui prient cinq fois par jour, jeûnent durant le ramadan et font tout leur possible pour venir en aide à leur entourage. Le vu le plus cher de ma mère est daller en pèlerinage à La Mecque. Cela fait quatre ans déjà quelle a déposé une demande, mais les dirigeants du village lui ont finalement fait comprendre quelle ne pourrait sans doute pas y aller car le quota annuel de pèlerins alloué par lArabie Saoudite à la Chine est limité, et nombreux sont ceux, au Xinjiang, et tout particulièrement à Hotan, qui demandent à y aller. Lan dernier, elle sest fait griller sa place par quelquun dautre, faute davoir payé un bakchich. A ma demande dexplications, voici ce quon a répondu : Votre mère ne pourra pas partir parce quil y a un fonctionnaire dans votre famille et parce quelle a plus de 60 ans [des restrictions à la pratique religieuse pèsent sur les fonctionnaires et les cadres du Parti]. La fonctionnaire en question, cétait ma sur, enseignante en collège. [.../...]
A Shenyang, au moment des festivités pour le 60e anniversaire de la fondation de la République populaire [1er octobre 2009], jai eu un problème car lhôtel que javais réservé refusait de maccepter. Finalement, un agent de police est arrivé ; je lui ai expliqué la situation, et au bout de plus de deux heures de palabres, jai finalement pu aller dormir à 3 heures du matin bien sonnées. Le lendemain, je voulais aller sur Internet. Quand jai présenté ma carte didentité à lentrée du cybercafé, lemployé ma dit sans même lever la tête pour me regarder : Désolé, mais les gens de votre minorité nationale nont pas le droit de surfer sur Internet !
Aujourdhui, au Xinjiang, beaucoup de gens ont une compréhension et une interprétation de la religion bien différente de celle qui est donnée dans le Coran. Ils en proposent une variante qui est terrifiante et de plus en plus étroite. Cette année, pour le nouvel an chinois, nous [la télévision centrale de Chine] avons invité des stars turques pour un concert, mais tout un groupe dOuïgours nous ont pris à partie en des termes particulièrement désagréables sous prétexte que cétait contraire à lislam de chanter et de danser. Je naurais jamais pensé que quelquun que jadmirais, comme toi, deviendrait le parfait bon toutou de la Turquie, toujours derrière elle pour quémander un bout de pain !
Ces gens-là nont plus aucun respect, même pour la Turquie ; cest vraiment terrible ! Il faut savoir que les jeunes aimaient jusque-là beaucoup ce pays dont ils se sentaient très proches. Mais en quelques années seulement, on a assisté à un rétrécissement des mentalités et les gens ne supportent même plus la culture laïque turque. Ils veulent entraîner le Xinjiang sur la même route que lAfghanistan!
Propos recueillis par Zhang Chi
Publié le 7 mai 2014 dans Fenghuang Zhoukan (extraits) Hong Kong