Dans les montagnes, les Népalais seuls au monde
Posté par cercletibetverite le 2 mai 2015
http://www.liberation.fr/monde/2015/05/01/dans-les-montagnes-les-nepalais-seuls-au-monde_1282289
Dans les montagnes, les Népalais seuls au monde
Une semaine après le séisme, l’aide dans la région de Chautara demeure très limitée.
Perchée sur une crête à 1 800 mètres d’altitude, la petite ville de Chautara domine la magnifique vallée himalayenne, découpée en terrasses verdoyantes. L’hôpital du district de Sindhupalchok est un bâtiment simple mais élégant, construit récemment. Ses salles vides, jonchées de moellons, résonnent sous les pas et les rideaux flottent derrière les vitres explosées. Une chèvre aux longues oreilles grimpe un escalier suspendu dans le vide. Dans la cuisine, abandonnée depuis le séisme du week-end dernier, une femme s’active aux fourneaux.
Pabitra Dangal achetait du lait à l’épicerie près de chez elle, samedi dernier, lorsque la terre a tremblé«pendant cinq minutes», dit-elle. Elle a couru dehors pendant que la boutique et sa maison s’écroulaient. Désormais, elle a mis en place une «cantine» dans l’hôpital, installé des chaises en plastique sur les dalles défoncées de la terrasse, et attend les clients. Dans les toilettes aux canalisations éclatées, des fissures larges comme le bras menacent le visiteur. Pabitra ne sait pas combien de temps elle restera. «Jusqu’à la saison des pluies, mi-juillet, peut-être.» D’ici là, il faut attendre et voir. Attendre quoi ? «Rien. On ne peut pas reconstruire, tout est détruit ici.»
Chautara, 6 000 habitants, est le chef-lieu du district de Sindhupalchok, qui commence à 80 km de Katmandou et s’étend dans l’Himalaya jusqu’à la frontière tibétaine. Comme tout le pays, il a durement ressenti le tremblement de terre, classé 7,6 sur l’échelle de Richter. Les bâtiments et les habitants, ébranlés, ont aussi pris de plein fouet le deuxième séisme, qui s’est déclenché dimanche vers 21 heures et dont l’épicentre n’était qu’à quelques dizaines de kilomètres au nord-est – il avait d’abord été pris par erreur pour une très forte réplique du premier.
«Peur». Mercredi soir, sur le stade de foot de Chautara, un petit camp de tentes et un poste de santé primaire accueillent les blessés descendus des villages alentour. Cinq hélicoptères de l’armée népalaise le survolent régulièrement, assurant l’évacuation des cas les plus graves jusqu’à Katmandou. Le district a été déclaré zone la plus touchée du pays lundi. Suivant un bilan encore provisoire, 1 820 victimes ont été recensées dans cette seulerégion. Et 614 blessés. Mais les autorités népalaises estiment qu’au moins 5 000 personnes se trouvent encore en détresse, sans soins, dans des zones inaccessibles.
Les routes sont fermées en altitude, endommagées par des glissements de terrain ou soulevées par le séisme. L’électricité étant coupée, les habitants ne peuvent pas recharger leurs portables et appeler à l’aide. Selon Ram Jee Karki, chef de la région centre nord du Comité international de la Croix-Rouge, 90% des 89 unités médicales du district (un hôpital, trois centres de santé et des petits dispensaires) sont à terre et 5% gravement endommagées. Les trois quarts des stocks de médicaments sont détruits. «Il n’y a aucun personnel de santé dans les montagnes car ils ont l’habitude de passer le week-end à Katmandou et ont eu peur de revenir travailler. A cause des répliques, la terre a tremblé 41 fois les trois premiers jours, mais aussi à cause des agressions», explique-t-il.
Otage. Lundi, la première mission de sauvetage envoyée par le gouvernement népalais a été durement prise à partie par les habitants des villages situés sur la route de Chautara. Une équipe népalaise de l’ONG Save the Children, qui possède pourtant un programme de développement sur place, a été prise en otage par la population. Celle-ci réclamait une part de l’immense aide envoyée par les pays étrangers, notamment des bâches, de la nourriture et des équipes de déblaiement pour sortir les corps ensevelis sous les décombres. La police se trouvant débordée, l’ONG a été forcée de laisser son stock et le gouvernement a négocié avec les autorités locales une paix provisoire, les assurant d’une aide prioritaire.
Mercredi, des habitants de Chautara soulevaient encore, grâce à une échelle et des bâtons, les gravats d’une maison, lançant des insultes au passage d’un minibus de secouristes népalais et français. Plus loin, des soldats remontaient des ruines, dans une couverture tendue, un corps minuscule enveloppé dans un plastique. Le soleil revenu après des jours de pluie, l’odeur de cadavre se faisait plus forte.
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